Pourquoi il faut arrêter de partir en vacances

Derrière ce titre putassier dont la lecture suffirait à faire exulter Pierre Gattaz (du calme Pierrot !), se cache une diatribe enflammée contre un fléau qui gangrène nos voyages. Je veux bien sûr parler des transports. Non contents de pourrir  notre train-train quotidien en nous faisant cohabiter dans une atmosphère moite sous les aisselles de nos congénères, ces derniers rivalisent d’ingéniosité dès qu’il s’agit de partir loin pour révéler les nuances les plus sombres de la palette de nos humeurs. Car avant d’atteindre la tant convoitée destination estivale, vos nerfs vont être mis à rude épreuve, quel que soit le moyen de locomotion que vous choisirez. Enquête.

L’avion : quand il y a du plomb dans l’aile

Le périple commence dès le moment où il faut se rendre à l’aéroport, car en dehors de la bonne vieille rocade, il est bien compliqué de rejoindre un terminal souvent situé en rase campagne (et les taxis s’en frottent la licence d’ailleurs). Ou alors, c’est l’occasion de découvrir des modes de transport alternatifs, voire futuristes* tels que l’Orlyval. Mais si vous avez le malheur de décoller à des horaires marginaux ou d’un aéroport marginal (au hasard, Beauvais), votre voyage s’engage bien mal.

*Futuriste, si l’on se replonge dans les années où Giscard s’en mettait plein la musette en dansant la valse avec grand-mère

Une fois passée la porte tambour qui roule sans trompette, vous savez que long est le chemin avant de prendre la poudre d’escampette. Vous voici alors embarqué dans le tourbillon de l’injonction entre les différents guichets (Veuillez vous enregistrer), points de contrôles (Veuillez vous identifier) , bornes (Veuillez scanner), les sandwicheries (Veuillez faire la queue 6h pour engloutir un bout de plâtre) et autres points presse Relay (Veuillez faire un régime avec Kim Kardashian)… jusqu’à arriver à l’enfer sur terre : le contrôle de sécurité de l’aéroport. Une sorte de no man’s land, où vous vous retrouvez en sous-vêtements à déballer vos paquets, plus rapidement que dans n’importe quel club libertin. Et si vous avez un peu de chance, vous serez peut-être l’heureux élu pour un contrôle aléatoire dans la backroom. Une fois cette étape clé passée, vous êtes libres… de sillonner les allées d’un centre commercial géant. Si vous étiez passé à côté d’un dimanche de rêve à Créteil Soleil, rassurez-vous, vous disposez d’une séance de rattrapage.

Direction ensuite la salle d’embarquement. Après une inconfortable attente (qui pourra se prolonger pour cause de remplacement des balais d’essuie-glace du cockpit ou de changement du réacteur gauche par le pilote si vous avez opté pour des lignes low-cost), vous voici en route vers le guichet d’embarquement, ultime étape avant de rejoindre dans votre siège.

Vous respirez en entrevoyant la lumière au bout de la passerelle. Mais patatras. Vous espériez vraiment gagner du temps à l’arrivée en vous contraignant à un petit bagage cabine ? Votre naïveté confine parfois à la sottise. En ayant voulu vous exonérer de la taxe pour faire partie des « happy-few » qui embarquent en priorité, vous avez aussi fait la croix sur une petite place en cabine pour votre balluchon. Vous êtes quitte pour un placement en soute, qui vous offrira la possibilité de patienter à destination devant un tapis roulant sur lequel vous auriez préféré voir défiler sushis et sashimis, jusqu’à vous rendre compte que votre précieuse valise a été égarée pendant le vol (qui n’aura jamais aussi bien porté son nom).

Bref, une fois délesté de ces quelques kilos vous pénétrez enfin dans l’appareil et bénéficiez d’un accueil différencié selon la compagnie que vous aurez choisie pour vous envoyer en l’air.

  • Vous avez opté pour le professionnalisme reconnu d’une compagnie historique ? Vous serez fièrement accueilli par une armada chevronnée (comprendre un équipage qui a de nombreuses heures de vol au compteur, des pattes d’oie aux coins des yeux et un commandant de bord dont vous soupçonnez la cataracte naissante).
  • Vous avez choisi le low cost ? Dans ce cas, vous n’aurez qu’à espérer que le pilote ait bien fini son bol de Chocapic le matin même et qu’il n’ait pas trouvé sa licence de pilotage à l’intérieur dudit paquet.

Après vous être péniblement faufilé dans l’allée, vous voici encastré dans votre siège, à côté d’un gars aux yeux métalleux en bermuda camouflage à votre gauche. Vous entendez que c’est homme de goût, car il écoute System of Down a un volume qui fait grésiller le sonotone de mamie qui bave sur votre épaule droite. Tout est en place pour un décollage imminent, y compris le bambin qui a hérité des cordes vocales de Lara Fabian et qui se trouve 3 rangées devant vous. Soudain, le commandant de bord prend la parole pour son speech d’usage qu’il conclut d’un ironique « Profitez bien de votre vol ». J’ai dû passer à côté de la distribution du « Guide des occupations pour passer un vol fun et bigarré » à l’entrée en cabine, car à part regarder à travers le hublot au décollage et à l’atterrissage, et user le peu de batterie qu’il reste sur mon smartphone, je m’amuse à peu près autant dans l’Airbus impérial que devant un épisode de Julie Lescaut. L’attente commence à se faire longue lorsque la carlingue s’ébranle enfin. L’aéronef entame alors une longue procession en roulant en enfilade avec ses semblables sur la piste au point que l’on finit par se demander si le pilote compte bifurquer vers l’autoroute attenante pour rejoindre la destination finale. Les hôtesses et stewards en profitent pour faire leur chorégraphie de sécurité sans grande conviction. Il n’y a toutefois que les lèche-culs du premier rang qui semblent attentifs. Parés au décollage.

Arrive alors au bout de quelques minutes l’épreuve tant redoutée de la collation ou du plateau repas, selon l’heure de votre vol. Dans le premier cas, on vous demandera de choisir votre encas : sucré ou salé. Sachez qu’il n’y a pas de bonne réponse à se cruel dilemme. Quoi qu’il en soit, la consommation de cet ennui-bouche [NDLR : le contraire d’amuse-bouche] engendre généralement une déshydratation globale de votre personne que le verre de boisson d’accompagnement peinera à atténuer. L’arbitrage concernant le plateau repas peut également s’avérer être un exercice de haut vol. Si vous avez choisi de vous envoler à bas coût, vous vous verrez servir une bouillie infâme empaquetée dans une feuille de papier alu. Comme dirait l’ami Joël, « bon appétit bienfûr ! ». Mais si vous n’êtes pas aussi pingre et que vous avez fait appel à flotte prestigieuse, vous bénéficierez d’une pitance à l’odeur tout aussi peu ragoutante, mais servie cette fois-ci dans une vaisselle jetable dessinée par Starck. Malgré tout, le rendu visuel et gustatifs varient finalement peu d’un plat préparé Findus. Mais heureusement, comme dirait Christophe Barbituriques, notre journaliste à l’écharpe rouge frétillante, « Ce qu’il y a de bien au moins avec Air France, c’est qu’ils servent un quart de rouge ! ».

Le plateau repas aérien vu par un grand designer
Un plat préparé industriel acheté chez Carrouf

Si c’est un long courrier, vous pourrez agrémenter votre voyage d’un film, parmi un vaste choix de navets datés avec des sous titres allant de l’albanais au zoulou, mais vous aurez beau chercher, impossible de retrouver le français. Ce n’est pas bien grave, ce n’est finalement pas le film sélectionné qui se lancera ; l’écran tactile ayant une réactivité semblable à celle d’une mouffette en hibernation. Sans parler du casque fourni par la compagnie qui par son principe de fonctionnement intermittent peine à couvrir le refrain en boucle de « Chop suey! » qui transcende votre voisin.

Le train : la (dure) vie du rail

Si prendre l’avion ne vous fait pas faire des loopings de joie, il reste le train. C’est bien le train. C’est accessible, il y a de la place pour étendre les jambes, on peut arriver au dernier moment, on arrive en pleine ville. Enfin ça, c’était avant. Tous ces privilèges d’un autre temps sont révolus et ce même si  le « Oui » est décliné à toutes les sauces par la SNCF pour nous persuader que « oui, c’est (toujours) possible« .

En fait, en quelques années, le train a usé d’un mimétisme flagrant avec son cousin volant. Au point qu’on se demande si la prochaine étape n’est pas de voir les trains décoller. Les prix se sont eux déjà envolés, par exemple. Si vous désirez prendre le TGV, vous devrez probablement hypothéquer votre résidence et vendre vos enfants pour vous acquitter du prix du bilet. Au moins, ça vous fera de vraies vacances. On pourrait également citer l’installation de portiques, l’instauration d’horaires d’embarquement 30 minutes avant le départ du train (au grand dam de l’éternel retardataire que je suis).

Bref, après avoir franchi in extremis ce foutu portique qui pique, et avoir embrassé tata Lucette qui pique aussi, c’est enfin le départ. S’en suit une ribambelle d’annonces au micro entre Michel, votre « chef de bord » et Jacky le préposé au wagon bar. De sorte que votre quiétude sera interrompue toutes les cinq minutes environ, comme lorsque votre petit neveu s’était vu offrir un micro pour Noël. Sauf que lui, vous pouviez lui enlever les piles. Et rien que pour ça, on ne dit pas merci Jacky et Michel. Cela dit, on peut considérer que l’on est à 5/10 sur l’échelle de Ryanair, car pour l’instant à bord des trains, pas d’annonce de promos sur les parfums ou de tombola géante pour gagner un Coca tiède.

Finalement, vous commencez à somnoler, lorsque votre dossier se met furieusement à vibrer. Non, vous ne rêvez pas de Teknival, c’est simplement le gnome assis derrière vous qui moleste injustement votre siège. Malgré tout, vous relativisez et laissez les membres du nabot intacts, car vous êtes jusqu’ici à l’heure et votre séant ne fait pas office de serpillère entre 2 voitures comme les malheureux qui ont été victimes de surbooking (et qui n’ont point de perspective de surclassement contrairement à l’aérien). Alors que vous retrouvez le sourire, vous sentez le convoi ralentir doucement, jusqu’à l’arrêt total. Michel annonce alors d’une voie sèche « Nous sommes arrêtés en pleine voie. Pour votre sécurité, merci de ne pas tenter d’ouvrir les portes ». Ca y est, vous l’aurez compris, c’est le fameux retard de 2 heures qui vous fera rater votre correspondance. Mais c’est aussi ça qui fait le charme du train, comme nous le précise un responsable :

Le retard fait partie de l’expérience client. C’est un identifiant fort pour les voyageurs.

Toutefois, le tableau d’arrivée n’est pas si sombre. Du moins, il s’est éclairci depuis que les Ouigo sont arrivés, sans se presser. Enfin presque. Disons qu’ils ont permis de pouvoir à nouveau voyager en train sans avoir à mettre ses organes en vente sur Le Bon Coin. Tiens d’ailleurs, faire partir des navettes low-cost depuis des terminaux éloignés des centres villes, c’est marrant que les compagnies aériennes n’aient pas eu l’idée […] Ah, j’ai rien dit, je retire.

Bref, revenons à nos wagons. Des Ouigo pas chers certes, mais ce n’est pas sans compromis. Si vous avez choisi de voyager chargé (comprendre si vous avez choisi d’emporter plus d’affaires que le pagne seyant qui vous sert de tenue) ou que vous voulez une prise pour brancher votre Thermomix, vous risquez fort de tripler le coût de votre voyage. On en viendrait presque à regretter la bonne vieille époque du Corail où le commis au service de restauration vous déboitait un genou avec sa chariotte infernale, trop large pour la travée centrale. Mais ne désespérons pas que ce service au charme désuet puisse revenir un jour, comme toutes les modes.

Moyens de transport alternatifs

Nous avons longuement évoqué les deux moyens de transport collectif les plus prisés pour les départs en vacances. Mais il en existe également d’autres qui ont eux aussi leurs défauts :

  • Le car (ou car « Tamukkale » Macron pour les intimes) : Si l’on peut apprécier l’aspect économique de ce mode de transport, on ne peut que vous recommander chaudement de prendre vos précautions avant d’opter pour celui-ci :
    • Prévoir une plage de vacances assez large pour absorber un trajet interminable avec un retard probable à l’arrivée entre 2 heures et 6 jours et qui sera ponctué de pauses impromptues où vous pourrez observer le chauffeur nettoyer son pare-brise à l’Eléphant Bleu ou remplacer ses plaquettes de frein dans un garage en rase campagne.
    • Prévoir des boules Quiès pour ne pas être importuné par les enceintes grésillantes qui diffusent l’équivalent local de Chérie FM.
    • Prévoir des somnifères pour ne pas être réveillé toutes les 10 minutes par le serveur de boissons qui tient absolument à vous faire goûter son Fanta low-cost qui sert également à nettoyer les OuiWC.
    • Prévoir des antalgiques pour compenser les différentes douleurs dont vous ferez l’objet à la sortie du bus magique en raison des assises spartiates proposées. Bref, pas sûr que la prochaine fois tu prendras le bus.
  • Le covoiturage : Une alternative intéressante si vous ne tombez pas sur un tueur en série, un névrosé en mal de socialisation (le genre d’individu qui se met dans la catégorie BlaBla et qui serait plutôt du genre BlaBlaBlaBlaBlaBla), un fan de Céline Dion ou un Jean Alési en puissance. Bref, c’est chaud.
  • La croisière : Paradoxalement, c’est un moyen de transport long et ennuyeux pour les personnes à qui il ne reste plus beaucoup de temps. N’étant pas particulièrement amateur de showcases d’André Rieu ou de Scrabble animés par Julien Lepers, j’émets de nombreuses réserves sur ce mode de transport qui plus est si le capitaine a un penchant pour longer les côtes de manière à saluer les demoiselles.

Fais pas ta morue, partage !

Jean-Jacques Gourdin

Je suis le maton de la station, prends garde à mes coups de bâton. Viens dans le poste, je vais te faire des bosses.