Pourquoi les festivals c’est de la merde
C’est le printemps et les festivals bourgeonnent comme les mouchoirs fleurissent au nez des allergiques au pollen. Sur le papier, l’idée est alléchante : retrouver au même endroit ses artistes préférés et profiter d’une série de concerts, le visage caressé par une douce brise.
Grâce à l’offre pléthorique, il ne devrait pas être difficile de trouver le bon festival à se mettre sous l’oreille. Pourtant, la désillusion est souvent fracassante, au point d’en venir à regretter de ne pas être resté chez soi pour écouter l’intégrale de David Charvet. On vous explique pourquoi.
Le difficile choix du bon festival
Première difficulté, et non des moindres, trouver le festival qui vous ressemble parmi le large choix qui s’offre à vous. Pour vous aider à y voir plus clair, voici une cartographie (non exhaustive) :

Ces dernières années, le paysage s’est étoffé avec l’arrivée de nouveaux festivals en France. Il s’agit essentiellement de grosses franchises devenues célèbres à l’étranger, telles que Lollapalooza, Pitchfork ou plus récemment Tomorrowland, importées par des multinationales à grands renforts de publicité (coucou Live Nation !).
L’idée n’est bien entendu pas de favoriser la diversité musicale, mais de vendre des places hors de prix à des boloss en échange d’une photo instagrammable, reproduction low-cost de celle prise par star en carton (genre Bernard Montiel) quelques mois plutôt plus tôt dans le festival d’origine. On attend avec impatience l’arrivée de l’édition française de Coachella à Maubeuge. Come on baby, light my Fyre !
L’arrivée sur site

A part à la Fête de l’Huma, où l’on peut sereinement rentrer avec son pack de bières sur l’épaule et une demie-bouteille de Ricard dans la musette, il est de bon ton de s’en jeter un petit dans le gosier avant de pénétrer dans l’enceinte où se déroulent les hostilités. Un petit verre suivi de multiples frères et soeurs, si bien qu’on se croirait à une tablée de famille nombreuse un dimanche après l’office, dans le XVIe arrondissement.
C’est alors qu’arrive sans crier gare l’heure du concert que vous tenez à ne pas rater. Sauf que l’ « ami » qui a imprimé votre précieux sésame pour rentrer sur site n’est toujours pas arrivé. Las, vous continuez à faire couler le sang du Christ à flots. Lorsqu’arrive enfin le retardataire, vous voici embarqué dans une file interminable composée de malotrus avinés beuglant à vous en perforer les tympans. Même le plus vicieux des tortionnaires n’oserait pas vous infliger cela. Votre calvaire s’arrête après le passage des contrôles de sécurité. Vous courez pour rejoindre la scène, mais votre élan est brusquement interrompu quand vous entendez au loin un tonitruant « Merciiiiii Pariiiiiis ! ».
Le bar

Centre névralgique des festivités, il s’agit également du principal point d’achoppement une fois arrivé sur le site. À l’image de l’entrée, les files s’allongent rapidement avec une densité de population digne d’une heure de pointe à Bombay. Ce moment privilégié de promiscuité est parfois l’occasion de faire de belles rencontres. Ou de se faire doubler en toute détente par une armée d’ados prépubères au visage pailleté pour masquer les ravages de l’acné. C’est en général ce même groupe, placé de sorte à empêcher tous ceux qui sont servis de quitter le bar sans encombres, qui sera à l’origine de la douche à la bière que vous subirez quelques instants plus tard.
Pour limiter cette attente fastidieuse, la plupart des festivals a eu l’idée lumineuse d’introduire le « cashless ». Le progrès est indéniable : entre l’absence de réseau pour recharger votre compte sur smartphone, la queue aux bornes et ceux qui découvrent que leur solde est insuffisant au moment de commander, le désengorgement est saisissant… Autant éteindre un incendie avec un sceau de vodka. Malgré tout, le gain est bien perceptible pour les organisateurs grâce aux festivaliers étourdis qui oublieront de récupérer leurs deniers à la fin de l’évènement.
Les toilettes

Fatalement, au bout de quelques minutes, la queue au bar se déporte vers des commodités bien peu commodes. Là où certains préfèrent se soulager contre les balustrades qui encadrent le site, d’autres prennent leur mal en patience afin de conquérir le trône de chantier, mal éclairé, malodorant, malpropre* et mal fermé.
Si par bonheur votre téléphone n’a pas profité de votre périlleuse besogne pour finir sa course dans les copeaux souillés, vous tentez d’appeler vos amis afin de les rejoindre. En vain. Faute de réseau, il ne vous reste qu’à errer dans les limbes du festival telle une âme en peine. Enervé, vous remballez sèchement votre voisin : « Casse-toi avec tes putains de paillettes et de ta couronne de fleurs de merde ! ». Avant de vous apercevoir qu’il s’agit en fait de l’un de vos amis. Direction la scène, c’est (enfin) parti pour les concerts !
La programmation musicale
Finalement, en décomptant vos divers temps d’attente (bar, toilettes, food-truck), la durée effective de votre présence devant les concerts culminera à une quinzaine de minutes sur la soirée. De quoi profiter pleinement d’un quart de concert de -M-, Tiken Jah Facoly, Zebda ou Shaka Ponk, tassé contre la régie pourtant située à 100 mètres de la scène. Le tout avec une acoustique digne du sound system d’un Franprix. Et en dehors de ces 4 têtes d’affiche, point de salut. Si vous aviez repéré un autre artiste dans la programmation, il est fort à parier qu’il s’agisse d’un pâle DJ-set.
Le retour à la civilisation
Peu joueur, vous avez préféré délaisser les allées boueuses du camping pour la nuit. Votre tente Quechua restera à l’abri des assauts répétés de renards sauvages lâchés ça et là par une foule de festivaliers éméchés. Mais regagner son foyer peut s’avérer être une mission comparable à Pékin Express. La sortie du site, semble déjà bien plus lointaine qu’à votre arrivée. Au point de vous demander si le site n’a pas été déplacé d’une dizaine de kilomètres depuis le début de la soirée.

Une fois arrivé au quai de départ des navettes, vous constatez avec effroi que prendre la ligne 13 le matin est une promenade de santé à côté de ce qui vous attend. Pas la peine d’envisager non plus de faire appel à cousin Uber : la durée d’attente est proportionnelle au pourcentage de majoration tarifaire qui affiche 3 chiffres. Ne reste plus qu’à traverser le bois de Boulogne/Vincennes à pied. Vous pourrez ainsi contempler un tout autre type de spectacle. Vivement demain.
*Doux euphémisme.