Les bonnes adresses pour rompre
La vie de couple vous opprime, vous avez besoin d’air, mais vous ne savez pas trop comment lui annoncer que vous iriez bien brouter une pelouse plus verte ailleurs. Vous ne cherchez pas forcément l’originalité, mais vous ne voulez pas lui refaire le coup du texto, façon redressement productif, « Cc jte kitte ! lol », d’autant plus que la marinière, c’est pas tellement votre truc : Renaud en mettait dans les années 70 et on voit dans quel état il est aujourd’hui.
Bref, vous avez plutôt intérêt à travailler sur le cadre dans lequel vous allez lui faire comprendre que c’est fini, histoire de vous faciliter la tâche. Le concept est simple et lâche, à la hauteur de votre bassesse : faites lui comprendre que vous êtes un connard comme ça elle se barrera d’elle même.
Voici donc une sélection de lieux parisiens où vous pourrez convier votre future ex. Je tiens à préciser que la rédaction de Morue89 n’a jamais déjeuné dans ces restaurants. Cette sélection est de fait basée sur des critères totalement arbitraires tels que l’aspect extérieur de ces bouges ou encore leur nom, qui, au mieux, n’inspirent pas confiance. Cette méthodologie éprouvée, et certifiée ISO 9001 fait de cet article une source fiable en matière de guide gastroentérique, au même titre que le Michelin.
1 – LE FUKUCHIMA
Dans la catégorie des restaurants qui ont choisi un nom de ville comme enseigne, et qui ont fait une mauvaise pioche (comme les restaurants qui s’appelaient « Kobé » dans les années 90), je demande le FUKUCHIMA. On note que le restaurateur a certainement opté pour un remplacement du « S » par un « C », probablement moins coûteux qu’un changement complet d’enseigne.
Il faut bien admettre que la bouffe japonaise n’est pas des plus ragoutantes (c’est trendy, mais en vrai, on peut bien se demander l’intérêt de bouffer une soupe aux champignons tiède accompagnée d’une salade de choux, pour se mettre en appétit avant l’arrivée d’un met à base de poisson cru pas frais)… Mais elle aimait vos sorties chez Sushi Shop. Alors, pour lui faire comprendre que cette fois-ci c’est fini, exit les 3 sushis à 52 euros et les menu cartonnés avec vernis sélectif brillant sur la couverture. Vous décidez de la jouer rustique avec cette nouvelle adresse qui fera office de palliatif (et qui pourrait d’ailleurs bien se transformer en laxatif) avec un petit soupçon d’uranium qui plane au dessus du wok en prime. L’ambiance devrait tout de suite se faire plus pesante. Vous ne boudez pas votre plaisir, et essayez de retenir celle que vous sentez déjà prête à se jeter sur le DoMac distant de seulement quelques mètres, dont elle vous a pourtant interdit l’accès pendant 2 ans de vie commune. Pour ce faire, vous n’hésitez pas à reprendre à votre compte des arguments qui habituellement lui servaient pour vous traîner dans des restos bio : « Tu verras, c’est bien plus authentique ici, et puis c’est sain », lui dites-vous, parce que « Sushi-Shop, tu sais, c’est un peu le McDo de l’Asie. D’ailleurs, il paraît que c’est tenu par des chinois ». Elle ne pourra plus refuser de vous suivre.
En entrant, vous constatez qu’ici, on ne s’emmerde pas plus avec la déco lounge qu’avec les règles d’hygiène ou les dates de péremption. Un serveur arrive, il vous tend la carte de l’établissement, imprimée naturellement sur une feuille A4, maladroitement glissée sous une pochette plastique, avec des corrections de prix à la main (sous lesquelles vous pouvez encore deviner les prix en francs). Vu les prix, vous passerez pour une pince, ce qui est déjà un bon début. Vous recommandez à votre moitié le Fugu. Elle trouve le nom rigolo et suit votre conseil. Quelques minutes après, lorsqu’elle en est à la moitié de son plat, vous faites mine de vous souvenir « Mais attends, le Fugu, c’est pas le poisson qui, s’il est mal découpé peut être mortel ? ». Elle vous fera ses yeux de poisson rouge et ira se faire vomir aux toilettes. Profitez-en pour prendre la poudre d’escampette, en lui laissant la note. C’est fini, vous ne devriez plus avoir de nouvelles de votre chère et tendre.
2 – LE VEL D’HIV
Nous sommes maintenant à Bercy, non loin du métro « Quai de la Gare ». Outre un nom à la connotation historique lourde, ce bistrot présente une façade, peu avenante, qui était pourtant tout ce qu’il y a de plus commune dans Paris jusqu’à ce que tous les troquets soient relookés façon lounge ou transformés en Starsucks. Autre détail troublant, on ne trouve aucun avis relatif à ce restaurant sur Qype et tous les autres guides. Soit personne n’y va, soit personne n’en revient ; un vrai four en somme.
3 – LE BISTRO COLONIAL
Autant dire qu’avec un nom pareil on peut imaginer ce qu’il se passe à l’intérieur : Michel Sardou chante son « temps béni des colonies » en fond sonore, pendant que vous prenez place sur des chaises en ébène, et une table en ivoire, tandis que les murs sont ornés de photos de l’exposition coloniale de 1931 qui se mêlent à des clichés de fauves pour ajouter un petit côté « savane » (et c’est pas celle de Papy Brossard). Un gentil serveur, habillé en colon anglais vient alors prendre votre commande, mais à votre grand regret, il ne font pas de couilles d’hippopotame poêlées. C’est bon, vous y êtes : elle vous gifle : « T’es qu’un enfoiré, comment tu peux faire ça à des animaux sans défense ? ». Vous lui rétorquez « T’as raison, je vais prendre de l’éléphant ». Elle vous balance son bol de Banania à la gueule, et reprend de plus belle : « T’imagines qu’on te coupe les couilles et qu’on les serve ensuite dans un resto ? T’es un monstre. » Il ne vous reste plus qu’à clore le débat : « Ca risque d’être compliqué, vu que tu me les as broyées. » Elle part alors dans un accès de colère se réfugier dans le colon de l’anglais.
Bien sûr, je précise que cette présentation des lieux dans son intégralité basée sur des jugements purement subjectifs sur la base des devantures de ces établissement, dans lesquels nous n’avons jamais mangé ; et ne mangerons certainement jamais, même si nous y sommes à notre tour invités, car il est fort probable que le supplément « glaires » nous soit servi gratuitement.
Il s’agit peut-être d’adresses honorables ; la rédaction ne saurait être tenue responsable si votre couple résistait à un dîner dans l’un de ces lieux.