Les derniers jours d’un confiné

On reproche régulièrement la longueur des articles publiés ici, et celui-ci n’échappera pas à la règle. Malgré tout, ces temps-ci, il est probable que vous n’ayez rien d’autre à faire que de perdre votre temps à le lire… Ne me remerciez pas.

Nous allons aujourd’hui nous intéresser à un sujet quelque peu négligé par les médias : le confinement lié à l’épidémie de COVID-19. Bien que cela ne soit pas frappant de prime abord, cet épisode pourrait avoir un impact sur notre manière de travailler, sur les tâches du quotidien telles que les courses, sur notre manière d’occuper notre temps libre ou encore sur l’éducation de ces putains de mioches qui repeignent votre ordinateur à la gouache pendant que vous êtes en visioconférence. Avec le déconfinement en ligne de mire, entre espoir et résignation, nous sommes partis en immersion dans le quotidien d’un confiné.

* Regard caméra, mèche au vent *

The final lockdown

Pendant que certains se gargarisent d’utopies sur le monde d’après, le monde d’aujourd’hui cherche par tous les moyens à consommer en version confinée. Les courses, rituel déjà si pénible jadis expédié après le turbin à la vitesse d’un coït chiraquien, se transforment aujourd’hui en une véritable quête du graal, quitte à en venir aux mains pour s’emparer du dernier paquet de Palmito. 

Alors que les grandes enseignes se frottent les mains (gantées), les clients piétinent. Précisément pendant 1h30, plantés sur des croix dessinées au gaffer à même le sol, avant de pouvoir parcourir les rayons dévalisés de leur échoppe favorite. L’ambiance y est devenue électrique : le baromètre affiche 9/10 sur l’échelle de Claude François. Seuls témoins de la vie d’avant, les hauts parleurs qui crachent toujours la soupe de Chérie FM. Pour le reste, le moindre éternuement pourrait provoquer un mouvement de panique dramatique. C’est ainsi que nous saluons la mémoire de Jacky, héros du quotidien, assommé par une pile de conserves de bisque de homard en promotion alors qu’il faisait ses courses. Il a écopé de 2 jours d’ITT.

Epreuve suivante : la désinfection des courses produit par produit pendant des heures

Bien sûr, il reste possible d’éviter cette situation angoissante et de faire ses courses en ligne. Malheureusement, il semblerait qu’il s’agisse davantage d’une sorte de version bêta du jeu “Les SIMS e-commerce” développée par les équipes de la SNCF que de véritables sites de commerce en ligne. Généralement, le seul niveau fonctionnel est la file d’attente virtuelle qui permet d’accéder au site. Il est à noter que lorsque vous arrivez au bout de 3 jours sans dormir à obtenir un créneau de livraison/retrait, et que vous avez réussi tant bien que mal à remplir votre panier avec des marques jusqu’ici inconnues, il est probable qu’au moment du paiement, ce même panier affiche un nombre négatif de produits, en raison des ruptrues de stock, malgré un montant total de 150€. Dans ce cas, fermez votre laptop, piétinez le énergiquement en hurlant des insultes en néerlandais, puis prenez un Xanax.

Il reste malgré tout une dernière alternative pour se nourrir : les fameux “paniers garnis”, également appelés “paniers à la con”. Très en vogue, ils sont livrés à domicile et vous permettront de faire une jolie photo pour alimenter votre compte Instagram. Mais à l’heure de votre dîner, passée l’excitation du choix du filtre, il ne vous reste qu’à pleurer devant votre commande de 10 kg de rutabaga et de topinambour à écouler dans la semaine.

Du confit de canard au conflit de connards

Alors, il est vrai qu’il n’y a pas que la tambouille pour occuper ces longues journées d’isolement. Cette injonction répétée à cuisiner finit d’ailleurs par confiner à l’indigestion, avec des “lockdown goals” incontournables tels que faire son propre pain.

“Si à cinquante jour, on n’a pas fait son bâtard, c’est qu’on a raté son confinement”

Jacques Céréales, publicitaire rassi qui a abusé de la farine (et qui mérite une tarte)


D’autres ont vu le jogging comme un exutoire à l’enfermement. Par “jogging”, nous ne désignons pas ici le vêtement de goût discutable qui a fait un come-back remarqué jusque dans les salons feutrés depuis quelques semaines, mais bien de la pratique sportive qui suscitait au collège plus de dispenses que de vocations. En témoigne le palmarès français en matière d’athlétisme. 
Évidemment, il n’y a rien à redire à cet engouement soudain de courageux joggueurs, prêts à braver ce monde hostile baptisé le “dehors”, où il faut parfois être prêt à en découdre avec des daims. La tension est palpable ; il ne manque que la musique d’Ennio Morricorona pour accompagner les combats de regards dans des rues quasi désertes. On espère en tous cas que cet élan sportif se poursuivra au delà du confinement.  

Mais un corps sain ne serait rien sans un esprit sain. Il était donc difficile de ne pas évoquer ici les nourritures spirituelles. Certains mettent à profit ce confinement pour une introspection et un retour aux fondamentaux. C’est ainsi que la délation, pilier de la culture française a fait son grand retour. Que ce soit par frustration, convoitise ou simplement par malveillance, ils sont nombreux prêts à vendre du beurre au préfet Lallement. 

Heureusement, la télévision permet elle aussi de garder une fenêtre sur l’extérieur et de donner du grain à moudre à nos neurones. Bien que la plupart des estaminets aient gardé porte close, les émissions de télé-bistro continuent à débiter leurs futs de conneries, même si nos grands penseurs contemporains s’expriment désormais en duplex décomplexé depuis leur salon. Rien ne change donc, les jacasseries au sujet du laxisme du confinement en banlieue ou de l’opportunité de faire des africains des cobayes pour les remèdes contre le virus ont de beaux jours devant eux.

Malgré tout, le PAF a su adapter dans une certaine mesure sa programmation aux événements actuels. On croirait revenu le temps de l’ORTF avec des apparitions quasi quotidiennes du Premier Gremlins à mèche blanche, Edouard Philippe accompagné de ses présentations PowerPoint, de l’oncle fétide Blanquer ou du général orangé Macron, mi-homme, mimolette. Interventions toujours suivies de leur lot de commentaires exaltés signés Ruth Elkrieff ou Christophe Barbituriques, qui finissent par laisser place au flux de traditionnelles boucles anxiogènes qui ont fait le succès de BFMTV entrecoupées des dernières frasques du druidique Pr. Raoult.

Enfin, pour se changer les idées, les grandes chaines ont inventé des versions confinées de leurs programmes phares. Ainsi, on peut désormais savourer des programmes avec une qualité digne d’un live Twitch sur les plus grandes chaînes. Même nos apéros Skype ont plus d’allure, bien qu’il manque Gilles Verdez pour relayer des théories complotistes entre 2 lancers de slips d’Hanouna. Il faut dire que les animateurs n’ont pas ménagé leurs efforts pour que leurs intérieurs ne paraissent pas trop clinquants à l’image…  Mais bon, “Qui veut gagner des millions ?” dans un 20m2, ça rend tout de suite la promesse moins crédible. Bref, avec de telles distractions, il est peu étonnant que les applaudissements de 20h constituent le Climax d’une journée confinée.

Point de salut, sans l’artiste ?

Ce panorama serait incomplet sans parler des artistes, qui à leur manière apportent leur parpaing à un édifice déjà bien chancelant. C’est ainsi que toute l’avant garde de la chanson française, Obispo, Pagny et Lavoine s’est réunie pour enregistrer un titre qui pourrait parfaitement être repris dans une publicité pour une compagnie d’assurance auprès de laquelle je n’aurai jamais l’intention de souscrire un contrat. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, Calogéro et Patrick Bruel ont fini le travail à coups de mortier, en dégainant un titre signé Jean-Jacques Goldman. Les soignants n’avaient vraiment pas besoin de ça.

Reste la lecture pour se consoler. Mais que dire des terribles carnets de confinement qui ont fleuri sur Internet depuis le mois de mars. Avec tous ces auteurs d’un jour qui se prennent pour de nouveaux Jack Kerouac, en narrant leur quotidien cloîtré aux côtés de leurs enfants nommés Brocéliande, Hémorrandine et Alceste. Comme si quelqu’un portait un quelconque intérêt aux élucubrations d’un confiné. Mais je m’égare, quel était déjà le thème de cet article ? Bref, c’est peu dire que la perspective du déconfinement est attendue avec impatience…

Déconfinement, déconfiture, ou les deux ?

A suivre…

Fais pas ta morue, partage !

Jean-Jacques Gourdin

Je suis le maton de la station, prends garde à mes coups de bâton. Viens dans le poste, je vais te faire des bosses.